- La France de Napoléon III vue par Zola : "À cette heure, Paris offrait, pour un homme comme Aristide Saccard, le plus intéressant des spectacles. L'Empire venait d'être proclamé... Le silence s'était fait à la tribune et dans les journaux. La société, sauvée encore une fois, se félicitait, se reposait, faisait la grasse matinée, maintenant qu'un gouvernement fort la protégeait et lui ôtait jusqu'au souci de penser et de régler ses affaires. La grande préoccupation de la société était de savoir à quels amusements elle allait tuer le temps. Selon l'heureuse expression d'Eugène Rougon, Paris se mettait à table et rêvait gaudriole au dessert... L'Empire allait faire de Paris le mauvais lieu de l'Europe." -
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Mon avis :
Comme vous le savez, je participe au Challenge Rougon-Macquart sur Livraddict, et j'ai décidé de lire un tome par mois de ce grand classique de la littérature française ! Si vous n'avez pas encore lu ma chronique sur le tome 1, La Fortune des Rougon, je vous invite à cliquer ICI, et vous propose sans plus tarder de pénétrer dans l'univers sombre et perfide de La Curée, d'Émile Zola :)
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Dans ce tome 2, nous suivons Aristide, un des personnages de la série déjà présent dans La Fortune des Rougon, dans la nouvelle vie qu'il tente de se construire après les mésaventures survenues précédemment. Une vie qu'il ne pourra s'offrir qu'à l'aide de son penchant pour le mensonge, la fourberie et la tromperie ! Sans oublier l'aide de son frère Eugène, sans qui cet homme pétri de haine et de ressentiment à l'encontre de cette famille, qu'il a laissée derrière lui sans aucun regrets, ne serait pas parvenu à s'élever comme il l'a fait.
Une fois son confort financier et matériel assuré, Aristide fait dans la démesure, l'excès ! Rien n'est trop cher pour qu'il ne puisse se le payer, aucune des fêtes qu'il organise ne se ressemble et chacune d'elles est encore plus fastueuse que la précédente, aucune résidence n'est trop belle pour qu'il ne puisse spéculer dessus... Pour autant, sa sournoiserie grandit un peu plus chaque jour et l'empoisonne inexorablement.
Zola nous dépeint ici l'outrageuse tendance de l'aristocratie du Second Empire à étaler ses richesses, à asseoir sa supériorité financière entre ducs, marquis, ministres, sénateurs et autres personnes influentes de la haute société. Un roman dans lequel la fatuité, l'opulence, le luxe et les démonstrations toutes plus grandioses et ridicules les unes que les autres pour prouver que chacun a sa place au sein de cette élite, sont retranscrits avec autant de méticulosité que dans le tome 1 !
À travers cette histoire, Zola ne se fait pas l'avocat du diable, bien au contraire ! Il joue la carte de mettre en scène les parvenus égoïstes et tributaires de l'argent, pour mieux valoriser la misère des faubourgs parisiens et de la province. Avec le personnage d'Aristide, qui a la chance de réussir sa vie, il met en opposition le quotidien austère du peuple français et les folles journées de la haute bourgeoisie, où les dépenses inconsidérées sont le lot des femmes, comme des hommes.
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Si La Curée aborde avec ferveur le sujet de l'argent, il met également en lumière des thèmes dont il est toujours difficile de parler : l'inceste, la prostitution, l'homosexualité... Ce sont autant de thématiques sur lesquelles Zola s'est exprimé ouvertement, imaginant la relation incestueuse entre une belle-mère et son fils adoptif, les lieux dédiés aux infidélités des hommes, les jardins luxuriants, propices à la volupté et au désir...
Le lecteur se retrouve donc confronté à tout un flot de sujets tabous, décrits avec talent et passion par l'auteur ! Des sujets dans lesquels il a su mettre toutes sortes d'émotions : doute, extase, amour, détresse, chagrin... Si Zola a choisi de mettre en lumière ces thèmes fort peu courants dans les conversations d'hier et d'aujourd'hui, c'est pour nous montrer combien l'argent ne peut combler le coeur des hommes.
Ces derniers ne sont jamais satisfaits de ce qu'ils possèdent, ils ne voient pas le bonheur qu'ils ont devant eux, mais sont, tels des chiens affamés se disputant les entrailles de la bête, assoiffés de pouvoir, d'argent et d'un plaisir charnel insatiable !
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- La Curée ou comment un roman peut transporter son lecteur
Si j'ai adoré La Fortune des Rougon, j'ai encore plus apprécié La Curée ! J'ai adoré l'ambiance sombre et la négativité qui s'en dégagent, ainsi que le mépris de l'auteur pour tout ce faste exhibé par la haute société sous le Second Empire. L'écriture de Zola est toujours aussi merveilleuse, elle m'a encore une fois transportée, ce coup-ci en plein coeur d'un Paris chamboulé par les travaux d'agrandissement, de démolition, de reconstruction...
Un roman audacieux, authentique et unique, qui nous permet de comprendre à quel point nos possessions matérielles peuvent ne pas forcément nous rendre heureux au quotidien, mais au contraire nous pousser à vouloir toujours plus, à nous rendre cupides, à faire dans la démesure et à nous conduire peu à peu vers la déchéance.
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En résumé, La Curée est un énorme coup de ♥ pour moi ! Je ne peux que vous recommander de le lire sans tarder, de vous plonger dedans les yeux fermés. Je conçois que les longues descriptions d'Émile Zola peuvent ne pas plaire à tout le monde, mais laissez-vous porter par la puissance et la beauté des mots soigneusement choisis pour nous immerger dans cette histoire forte et pleine de sens :)
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Détails sur ce livre :
La Curée, publié aux éditions Le Livre de Poche
Collection : Les Classiques de Poche
Auteur : Émile Zola
Nombre de pages : 416 pages
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Je vous dis à très bientôt pour un prochain article et je vous souhaite de faire de belles lectures.
Sue-Ricette
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